13 sept. 2012

Un signe des temps : le chaos symbolique.

par Michel De Caso



Il faut lire le livre d’Aude de Kerros, "Sacré art contemporain" (Ed. Jean-Cyrille Godefroy, 2012) pour saisir les multiples facettes du jeu machiavélique exercé par les théoriciens de l’AC(1). Outre des informations de premier ordre, souvent ignorées de ceux qui sont exclus des réseaux de l’AC, De Kerros se livre à un incontournable décryptage des tenants et aboutissants de l’idéologie en question. Car c’est bien d’idéologie dont il s’agit, avec ses interdits, ses sous-entendus, ses préférences, ses connivences et ses intérêts. Le livre montre notamment la connivence qui existe désormais entre les membres éminents du clergé catholique et les fonctionnaires représentant l’AC, dont l’exemple du Collège des Bernardins à Paris se veut la figure de proue.

Si certains encore doutaient des intentions de l’AC, ce livre devrait leur permettre de saisir pourquoi les protagonistes de l’AC et leurs suiveurs en sont arrivés à cette haine du métier et de la forme. Le lecteur perspicace saisira comment l’AC revendique le partage narcissique de la nullité et de l’abject. Comment dans son obsession de ne pas plaire et de questionner par le détournement systématique, il façonne des générations d’intellectuels post-modernes qui s’honorent de revendiquer tout et son contraire. Finalement, leurs discours est à la hauteur de la schizophrénie de notre monde. Depuis des décennies, nous aurons entendu tous les justificatifs pour mettre à bas l’opérativité de l’art. Les raisons de la haine de l’art ont tour à tour été révolutionnaires, sociales, plastiques, psychanalytiques… Elles sont aujourd’hui religieuses. Pour certains, le rêve s’est réalisé : la transcendance horizontale s’est enfin substituée à la verticale. Le chaos symbolique peut s’installer.

Hé bien oui, l’art est mort en ce sens qu’il n’est plus utile au monde contemporain. Dit d’une autre façon, il est clair qu’une société a l’art qu’elle génère. L’AC est donc effectivement le révélateur de notre monde et, dans ce monde qui est tel qu’il est, ce sont les financiers qui s’en sortent le mieux. Au citoyen, on lui demande d’aller voir les expos d’AC et s’il n’y va pas, c’est l’AC qui vient à lui. La seule initiative qu’on lui laisse, c’est la possibilité de diriger ses illusions dans un bulletin de vote périodique…. Pour le reste : nihil novi sub sole (2). D’une certaine façon, et sans que cela soit une adhésion au dadaïsme - loin s’en faut-, les dadaïstes sont au pouvoir mais la différence entre les dadaïstes historiques et ceux d’aujourd’hui, c’est que les premiers n’étaient pas au pouvoir, et ce détail change tout ! Alors, souvenons-nous de la réflexion du grand Tarkovski :« La culture de masse nous empêche de nous tourner vers les questions fondamentales de l'existence et de nous assumer en tant qu'êtres spirituels. »

Terminons tout de même par une note d’espoir exprimée par De Kerros, l’Espérance n'étant pas l’une des trois vertus théologales de la voie chrétienne ? « Pourtant cette pratique de l’Art, non duchampienne qui recherche l’accomplissement de la forme pour délivrer le sens, existe aujourd’hui et existera aussi longtemps que l’humanité elle-même. Elle procède du circuit qui s’établit naturellement entre le cerveau, l’œil et la main de l’homme dont l’exigence est de créer. » (3)

 

(1) Acronyme désignant Art Contemporain et correspondant non pas à l’art d’aujourd’hui mais à une mentalité née dans les années 1914-17 avec les premiers ready-made de Duchamp. Il s’agit d’un non-art essentiellement conceptuel qui, entre autres, rejette toute approche sensible et formelle. C’est précisément ce type de non-art dont raffolent nos élites intellectuelles.

(2) Rien de nouveau sous le soleil.

(3) "Sacré art contemporain", page 115.

25 janv. 2012

« Coup de torchon à la Tate Britain »*

« D’après le "Sunday Times" du 15 janvier 2012, trois experts des Maîtres historiques, dont un de renommée internationale, viennent de claquer la porte de la "Tate Britain" qui regroupe les collections d'art britannique, de la Renaissance à aujourd’hui. Le musée étant dirigé par Penelope Curtis dont les vues "modernistes" sont connues, désormais tous les postes importants sont occupés par les tenants de l’art très contemporain à l’assaut du patrimoine. Un éminent universitaire, qui a demandé l’anonymat, (c’est dire si la liberté démocratique règne dès qu’il s’agit d’AC !) constate que désormais le patrimoine historique est considéré comme mineur : "La Tate manque à son obligation statutaire de gardien de la meilleure collection historique de l’art britannique au monde. On ne peut plus enseigner l’art britannique à partir de ce qu’il y a sur les cimaises." conclut-il. Car une partie  des collections est désormais reléguée aux réserves, à part les Turner. (Turner est intouchable, car produit d’appel de l’industrie touristique). A la place des chefs-d’œuvres de Stubbs, de Hogarth ou autres, on trouve l’œuvre de Cerith Wyn Evans, soit un candélabre à la flamme vacillante, accompagné d’une bande-son qui répète en boucle "Ouais" ; le tout occupe une salle entière. Voilà comment désormais la "Tate Britain" éclaire le monde de la culture…/… »

* Extrait du "Grain de sel" du 24-1-12 de Christine Sourgins

12 janv. 2012

« Style de vie »*

« … De façon générale, nous nous sentons menacés par toutes sortes de dangers, complaisamment rappelés et mis en exergue dans la plupart des discours politiques, lesquels ont cessé depuis longtemps les lendemains qui chantent ou le Grand Soir. Rien d’apocalyptique pourtant, sauf à considérer que la fin de l’euro - l’Eurogeddon, disent les banquiers américains - pourrait en faire office, ce qui serait une preuve de plus de l’incroyable manque d’imagination d’une époque dont les nouveaux prophètes sont les économistes en chef des grandes banques internationales. Aucune menace de guerre à l’horizon, en tout cas pour nos contrées européennes. Nulle famine en vue. Pour le dire en d’autres termes : ce n’est pas notre survie qui est menacée, mais tout simplement notre style de vie. Un style de vie ou la "création de la valeur" (financière) a remplacé l’idée de valeur tout court, et où la croissance économique est devenue la mesure de toute chose. Entretenir l’angoisse en multipliant les objets d’inquiétude (dette, euro, sécurité, immigration…) est une manière pour le Pouvoir de couper court à tout débat de fond sur cette question fondamentale du style de vie, et par exemple sur ce que pourrait signifier aujourd’hui l’idée de bien commun en dehors d’une note AAA décernée par Standard & Poor’s. Si l’année 2012 doit donc être décisive pour notre pays (et un peu au-delà), souhaitons qu’elle le soit d’abord dans ce renouvellement radical des termes du débat public… »

* Extrait de l’éditorial de Jérôme Anciberro, "Style de vie", revue "Témoignage Chrétien" n°3474, 5-1-2012, page 3.