8 déc. 2013
Comment comprendre la formule de « l’art est mort » ?
par Michel De Caso
La formule l’art
est mort peut paraître abrupte au premier abord. Sans doute doit-elle
être quelque peu précisée. Cette formule s’inscrit en fait dans la même veine
que la formule Dieu est mort. Comme
celle-ci, elle se veut sans concession et, sur le plan philosophique, elle l’est.
Pour autant, à un certain niveau
de réalité, ces formules peuvent paraître à l’emporte-pièce et absurdes. Comment
en effet avait-on pu prétendre que Dieu était mort ? Comment Dieu aurait-il pu
mourir ? De même, comment peut-on prétendre que l’art est mort ? Comment
l’art pourrait-il mourir ? C’est pourquoi appliquées à la réalité ultime, ces
formules doivent être d’abord comprises sur le mode du pamphlet.
Il n’empêche que dans
l’immédiateté du temps, celui auquel nous avons accès, elles recouvrent une
certaine réalité.
Focalisons-nous ici
uniquement sur la formule l’art est mort.
Les arts plastiques ont été
à la pointe du constat de la mort de l’art, n’ayant plus aucun
critère de sélection formelle depuis belle lurette.* La mort de l’art trouve en
eux ses meilleurs modèles. C’est ainsi que la conception de l’art qui avait
prévalu pendant des siècles commença à cesser d’abord dans les arts plastiques.
Après avoir légitimé des
œuvres plastiques au nom de la rupture avec l’art originel, depuis quelques
décennies, nous avons eu droit à tout un ensemble de discours assignant à
l’œuvre d’art des fonctions pour le moins changeantes. Ainsi, nous avons entendu que l’œuvre plastique est
au service de la psychanalyse, de la société, de la nature, de la révolution,
de la spontanéité, de la fraternité, de l’immanence, etc… Au début, la
légitimation intellectuelle avait trouvé sa réponse dans des propositions
plastiques ouvertement faites contre l’art et, en fin de route, les mêmes
propositions furent légitimées au nom de l’art. Depuis quelque temps déjà, en
effet, c’est bien au service de l’art que la cause de l’anti-art est affairée.
Il est difficile d’aller plus loin dans l’arnaque intellectuelle.
Pourtant ces différentes
astuces sémantiques fonctionneront aussi longtemps qu’elles répondront à un
triple besoin. D’abord, le besoin narcissique du spectateur qui se réjouit de
ce nivellement formel par le bas. Ensuite, l’intérêt économique des marchés avec
leur besoin incessant de renouvellement de marchandises. Enfin, la visée
idéologique des pouvoirs politiques qui attribuent à l’art la seule fonction de
favoriser le lien social.
Aujourd’hui, suite aux
différentes prises de positions des uns et des autres, les langues se sont
déliées et les choses ont désormais été dites et écrites.
Bien sûr, le constat de la
mort de l’art n’est pas fait pour recueillir l’assentiment général. Par
définition, nombreux sont ceux qui ne le partagent pas. Peut-être
changeront-ils d’avis lorsque, habitués à prendre le train en marche, la
mort de l’art aura été historicisée ; mais cela, ce n’est pas pour
demain !
En outre, la philosophie même
de ce site internet fait que le point de vue de la mort de l’art n’a pas
à chercher à convaincre qui que ce soit de sa validité. Il suffira que certains
s’y retrouvent. Pour le reste, chacun peut continuer à défendre ses intérêts
particuliers et à comprendre le monde depuis son propre point de vue… jusqu’à
ce que, vraiment,… l’arrêt mord !
* D’autres expressions
artistiques, du moins dans un premier temps, peuvent être moins touchées du fait même de
leur nature qui exige un apprentissage technique sévère. Il en est ainsi, par
exemple, de la musique et de la danse.
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